On a parlé à quelques occasions de grossophobie internalisée. Récemment, le sujet est revenu dans deux de nos publications consacrées à la place de la grossophobie dans un contexte de désir ou de mesures d’amaigrissement :
- La perte de poids est-elle (toujours) grossophobe ?
- La perte de poids est-elle (toujours) grossophobe ? (La suite)
C’est quoi, au juste ?
La grossophobie est définie comme étant l’ensemble des attitudes et des comportements hostiles qui stigmatisent et discriminent les personnes grosses, en surpoids ou obèses.
En psychologie, l’internalisation est un processus mental non conscient au cours duquel les caractéristiques, croyances, sentiments ou attitudes d’autres personnes / groupes sont assimilés et adoptés par une personne. (Source : American Psychological Association)
La grossophobie internalisée est donc une grossophobie qui aurait été assimilée par une personne et adoptée par elle, dans le cadre d’un processus mental non conscient.
Ça ressemble à quoi ?
Ça peut prendre plein de formes, la grossophobie internalisée. Ce qui la rend particulièrement sournoise est son aspect inconscient. C’est particulièrement difficile de se battre contre quelque chose qu’on ne réalise pas.
La grossophobie internalisée est, notamment, ce qui peut mener plusieurs personnes à vouloir perdre du poids uniquement par désir d’auto-préservation. Par «instinct de survie». Pour se soustraire à cette pression et à ces agressions qui viennent avec le fait d’être une personne grosse dans une société grossophobe. Une personne qui ferait ce choix a vécu/vit définitivement de la pression indue. Une stigmatisation immense.
Est-ce que c’est normal de ne plus pouvoir tolérer cette pression ? Oui.
Est-ce que maigrir simplement pour se soustraire à la grossophobie est grossophobe ? Malheureusement, oui.
Est-ce que c’est un geste condamnable ? Pas le moins du monde !
Ça vient d’où ?
C’est le résultat d’années d’exposition intense à des modèles corporels standardisés et similaires dont la minceur fait partie intégrale. La publicité, les médias et les différentes formes de divertissement contribuent à l’encouragement de cette standardisation. Comment ? En mettant trop rarement à l’avant-plan des personnes grosses dans des rôles positifs / non stéréotypés. En relayant que la perte de poids est à célébrer.
De son côté, l’industrie de la perte de poids mise sur l’insécurité et l’insatisfaction corporelle générées par l’omniprésence de la minceur et axe une grande partie – sinon l’ensemble – de son marketing sur la vente du rêve de devenir ou de rester mince. Ou encore sur le désir de ne plus être associé(e) aux clichés et à la représentation actuelle qu’on a des personnes grosses. Le tout, souvent effectué à grands coups d’avant/après.
Ça touche qui ?
Ce serait sans doute moins long de nommer qui n’est pas affecté(e), haha !
Les personnes minces et grosses. Et celles entre les deux. Les personnes de tous âges, genres et orientations. D’une variété d’origines ethnoculturelles.
En fait, tout le monde a internalisé un certain niveau de grossophobie.
Ce qui varie le plus d’une personne à l’autre, c’est à quel point on réalise cette internalisation.
Oui, ça touche les activistes aussi. La dernière chose qu’on voudrait laisser croire, c’est qu’on est au-dessus de ce phénomène. On a grandi dans la même société que la forte majorité des lecteur(trice)s de cette plateforme. On a été exposé(e)s aux mêmes médias, au même divertissement et aux mêmes influences.
Personne ne naît avec de la grossophobie internalisée. On la développe malgré soi.
C’est grave ?
C’est surtout… normal.
En fait, tout dépend de ce qu’on fait avec sa grossophobie internalisée.
Personne n’aime se faire dire qu’il/elle est grossophobe. Personne n’aime devoir admettre ne pas avoir vaincu les démons qui tourmentent l’estime de soi en matière d’image corporelle. Si l’étiquette est plutôt déplaisante à apposer à qui que ce soit – incluant soi-même -, il n’en demeure pas moins qu’il faut nommer ce phénomène.
Pour que ces personnes qui sentent le besoin de perdre du poids par dépit n’aient plus jamais besoin de choisir de maigrir par instinct de survie ou d’auto-préservation.
Il faut nommer le phénomène, même si c’est un nom qui est lourd de sens et qui plaît peu.
Mais c’est difficile de se battre contre quelque chose qui n’a pas de nom. Nommer la grossophobie internalisée permet tout simplement de mieux la combattre.
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