C’est quoi, la grossophobie ?

Pour pouvoir constater la grossophobie et, éventuellement, ses conséquences, il faut d’abord savoir ce que c’est.

Cette page de questions-réponses a pour but d’expliquer ce qu’est la grossophobie, qui est affecté par cette discrimination, comment elle se perpétue, etc. (Pour voir la réponse à une question, il suffit de cliquer dessus.)

Comment être un(e) meilleur(e) allié(e) dans la lutte à la grossophobie en tant que personne non-grosse ? Quoi faire pour être plus sensible à la réalité des personnes grosses ?
Vous trouverez plus d’informations à cet effet sur la page destinée aux allié(e)s.

Note : Plusieurs des termes utilisés sont en anglais car beaucoup des concepts et définitions liés à la lutte à la grossophobie n’ont pas (encore) d’appellation française.


QUESTIONS-RÉPONSES SUR LA GROSSOPHOBIE

Qu’est-ce que la grossophobie ?

Le dictionnaire Robert définit la grossophobie depuis 2019 :
Grossophobie : ensemble des attitudes et des comportements hostiles qui stigmatisent et discriminent les personnes grosses, en surpoids ou obèses.

Est-ce que la grossophobie est la peur des grosses personnes ?

Non. Selon le dictionnaire Larousse, une phobie peut être une « aversion très vive pour quelqu’un« . Toujours selon le Larousse, l’aversion est un « sentiment d’antipathie violente, voire de répulsion, ressenti par quelqu’un à l’égard d’une personne ou d’une catégorie de personnes ; haine, inimitié ».

Ce néologisme est construit avec le suffixe -phobie comme d’autres mots bien connus, notamment « homophobie » (rejet de l’homosexualité, hostilité systématique à l’égard des homosexuels) ou « xénophobie » (hostilité systématique manifestée à l’égard des étrangers), par exemple.

Quelles sont les conséquences de la grossophobie ?

Il y en a plusieurs et celles-ci varient d’un individu à l’autre. De nombreuses études scientifiques ont été faites sur le sujet par des chercheurs et des organisations crédibles et réputés ; vous pouvez en consulter plusieurs sous la rubrique Études & articles scientifiques.

Qui est affecté(e) par la grossophobie ?

Le phénomène de la grossophobie affecte l’ensemble de la population. Bien que le phénomène semble toucher davantage les femmes, les hommes sont également de plus en plus affectés.

L’hostilité envers les personnes grosses et les préjugés négatifs qu’on leur associe (faussement) est à la base de nombreuses décisions personnelles (conscientes ou pas). Cette hostilité motive plusieurs choix, de l’alimentation à la pratique d’activité physique, en passant par les activités sociales et les choix vestimentaires. Et cela, tant chez les personnes grosses que non-grosses.

La vie de la majorité des personnes grosses est parsemée de micro-aggressions pouvant avoir des effets non-négligeables sur leur santé physique et/ou psychologique. L’exclusion et le jugement d’autrui peuvent entre autres amener les personnes grosses à développer des problèmes d’estime de soi, de l’anxiété, divers troubles reliés à la dépression, des troubles alimentaires, et plus encore. Chaque personne grosse est affectée différemment et les conséquences peuvent être masquées par d’autres motifs.

Est-ce que le terme « gros(se) » est péjoratif ?

Ça dépend. Certain(e)s – encore beaucoup, en fait – perçoivent le terme négativement. D’autres, notamment certaines personnes militant contre la grossophobie, se sont réappropriées le terme en espérant qu’il retrouve sa neutralité après avoir été « diabolisé » pendant des décennies. (Ce processus a également cours chez les militants anglophones avec le terme « fat ».)

On pourrait un peu comparer ce phénomène de réappropriation subversive à celui du terme « punk ». En anglais, le mot voulait d’abord désigner une personne qui n’en valait pas la peine et/ou engagée dans la violence ou des activités criminelles. La culture musicale et le milieu punk se sont (ré)appropriés le terme pour se désigner.

Quels sont les termes acceptables pour désigner les personnes grosses ?

À ce jour, il n’y a pas de terme(s) qui fasse l’unanimité.

Chose certaine, le terme « gros(se) » est en cours de réappropriation par plusieurs militant(e)s. Plusieurs personnes demeurent cependant inconfortables de se désigner par ce terme qui conserve une connotation négative dans l’ensemble de la population.

Le terme « taille plus » (plus size), émanant de l’industrie du vêtement, est sans doute celui qui est le mieux accepté chez les femmes. Le terme ne possède pas d’équivalent francophone pour désigner les hommes « taille plus » (les termes anglais sont « brawn » ou « big and tall »).

On entend aussi à l’occasion l’appellation « personne de grand poids », mais son utilisation est plutôt marginale. En anglais, l’appellation « person of size » est généralement considérée neutre.

Certaines femmes préféreront des appellations considérées plus flatteuses comme « ronde » (« curvy ») ou « voluptueuse » ; ces appellations demeurent cependant vagues et ne définissent pas uniquement et/ou précisément les personnes grosses.

Pour ce qui est des termes provenant de la médecine – comme « embonpoint », « surpoids » et « obèse » – les militant(e)s préfèrent habituellement les éviter. Leur utilisation contribue à stigmatiser les corps gros en leur assignant une maladie et/ou une pathologie, les rendant « problématiques » et « à guérir ».

Beaucoup s’entendront cependant sur le fait que l’expression « une taille plus » est plutôt déshumanisante ; l’expression « une personne (de) taille plus » est à privilégier. (On préférera également « une personne grosse » à « une grosse ».)

Peut-on être gros(se) ET grossophobe ?

Oui. Considérer qu’en maigrissant, une personne est / devient automatiquement meilleure, plus belle, plus attirante, plus en santé (ou peu importe ce qui est positif et attribué à la minceur, mais pas à la « grosseur ») est un comportement grossophobe. Que l’on applique ce raisonnement à soi-même ou à d’autres personnes.

On nomme « grossophobie internalisée » le fait qu’une personne grosse contribue, par ses gestes ou ses comportements, de façon consciente ou non, à la stigmatisation des personnes grosses.

Doit-on être gros(se) pour dénoncer la grossophobie ?

Absolument pas ! Tel que mentionné précédemment, la grossophobie affecte à peu près tout le monde, et ce, peu importe leur taille. Bien que cette discrimination a un impact plus facilement mesurable dans la vie des personnes grosses (différentes études le démontrent), il n’en demeure pas moins que les personnes de tous les gabarits peuvent vivre avec la pression qui découle de la grossophobie, car celle-ci engendre notamment la crainte de devenir ou de rester gros(se).

Tout comme il n’est pas nécessaire d’être homosexuel(le) pour lutter contre l’homophobie, il n’est pas nécessaire d’être gros(se) pour lutter contre la grossophobie.

Comment puis-je être un(e) meilleur(e) allié(e) des personnes grosses et/ou éviter d’avoir des comportements grossophobes ?

Plusieurs gestes, comportements et habitudes peuvent faire d’une personne non-grosse un(e) allié(e) des personnes grosses. En fait, il y en a tellement qu’une page spéciale a été créée à cette fin sur ce site : « Être un(e) allié(e) ».

S’il existe des défis à vouloir être un(e) bon(ne) allié(e) dans la lutte contre la grossophobie, ils ne sont pas insurmontables, au contraire.

À qui profite la grossophobie ?

À plusieurs entreprises et particuliers œuvrant dans une variété de domaines.
Les gyms, par exemple, misent à chaque année sur les résolutions de perte de poids du Nouvel An pour vendre leurs forfaits d’entraînement.

L’industrie de la diète profite aussi de la discrimination envers les personnes grosses. Le taux de succès à long terme des diètes étant extrêmement faible, on peut dire que cette industrie capitalise sur son insuccès à long terme. Et cela amène plusieurs personnes à y revenir, encore et encore. Et du même coup, à continuer de financer cette industrie. (Industrie qui, en 2018 et aux États-Unis seulement, valait plus de 72 milliards.

À l’opposé de la grossophobie : existe-t-il une « mince-phobie » ?

Non. On ne peut nier que les personnes minces et très minces peuvent être la cible de commentaires désobligeants sur leur physique (qu’on appelle « thin-shaming » ou « skinny-shaming »). Cependant, à l’inverse des personnes grosses, leur taille n’est pas l’objet d’une discrimination systémique pouvant nuire à leur taux de diplomation, leur embauche, leur avancement professionnel, leur santé mentale, etc., alors que c’est le cas pour les personnes grosses.

De plus, le corps des personnes minces demeure le standard autour duquel la majeure partie des infrastructures et industries ont été conçues. Sièges d’avion ou de cinéma, représentation médiatique, industries du vêtements et du divertissement, ameublement en tous genre, et plus encore.

À l’inverse des personnes minces, les personnes grosses peuvent régulièrement se retrouver dans une situation où leur corps les restreint ou les empêche d’accomplir quelque chose, faute d’infrastructure ou d’équipement adapté. Cela est beaucoup plus rare – bien que pas impossible – chez les personnes minces.

La lutte contre la grossophobie est-elle une lutte contre la minceur ?

Non. L’objectif de la lutte anti-grossophobie est l’acceptation – ou du moins la tolérance – des corps gros. Le but n’est pas que le standard passe à la grosseur et que la minceur devienne, à son tour, stigmatisée.

L’objectif est une cohabitation proportionnelle des corps différents en taille et en silhouette, à l’image de la société.

Pour cette raison, le thin-shaming est une pratique à laquelle la majorité des militant(e)s anti-grossophobie légitimes refuse de s’adonner, puisque le thin-shaming, tout comme le fat-shaming, suggère que certains corps sont mieux que d’autres, un principe que la lutte à la grossophobie tente de combattre. Dans cette optique, il semble donc illogique d’encourager toute forme de « hiérarchie corporelle », peu importe qui en bénéficie (et qui cela pénalise).

Il se pourrait que des personnes qui représentent le standard croient que l’arrivée de nouveaux types de corps dans l’industrie (de la mode, par exemple) est une attaque à leur endroit. Bien que cette impression soit légitime, elle est inexacte, mais explicable après un quasi-monopole de nombreuses industries s’étirant sur plus d’un demi-siècle. Il est normal de se sentir menacé(e) quand on a l’impression de perdre sa place et de sentir l’urgence de décrier un phénomène qui affecte négativement ce que l’on représente.

Quels sont les critères pour qu’une personne soit considérée grosse ?

Il n’y a pas de norme définie. Il existe une tendance à l’effet que cela suivrait les tailles de vêtements. Mais cette tendance présente plusieurs faiblesses et lacunes.

Une personne qui s’habillerait dans les tailles considérées « plus » pourrait possiblement (et non « devrait catégoriquement ») se considérer comme étant grosse. Sauf que, selon les marques / fabricants, les dimensions varient grandement. Certaines personnes s’habillent dans la section « plus » d’une marque… et dans la section « régulière » d’une autre. D’où la confusion.

De plus, certaines boutiques et chaînes offrent des vêtements dits « taille plus » qui commencent à la taille 16. Et d’autres, à la taille… 12.

On a eu un excellent exemple que la définition de « taille plus » varie de façon importante. Lorsque Victoria Secret a déclaré avoir engagé son première mannequin du genre, Barbara Pelvin, la toile a fortement réagi… à sa taille 8. Ses mensurations sont similaires, sinon inférieures, à d’autres mannequins pourtant dites « standards » (i.e. Alessandra Ambrosio, Bella Hadid, etc.), selon les informations disponibles sur le site de leur agence de mannequinat.

Enfin, plusieurs personnes, pourtant à l’image des standards de taille actuels, se considèrent grosses. C’est pourquoi il est à peu près impossible, du moins à l’heure actuelle, de définir qui est gros(se) et qui ne l’est pas.

Est-ce que la grossophobie affecte uniformément toutes les personnes grosses ?

Non. Chez les personnes grosses comme chez les personnes non-grosses, on retrouve différents niveaux de privilège et d’oppression qui varient en importance selon qu’on est plus ou moins près des standards de beauté du moment. (Note : parmi ces standards, plusieurs ne tiennent pas compte de la grosseur de la personne.)

Autrement dit, plus une personne s’éloigne des critères de beautés traditionnels, plus elle risque d’être confrontée à un (des) niveau(x) d’oppression et/ou de discrimination important(s).

Est-ce que je suis grossophobe si je ne trouve pas une personne grosse belle ?

Il est particulièrement difficile de répondre à cette question. Parce qu’il se pourrait fort bien que la vraie question, dans de nombreux cas, soit… (voir question suivante)

Pourquoi je ne trouve pas que les grosses personnes sont belles ?

Bien qu’elle ne s’applique pas catégoriquement à toutes et à tous, cette explication demeure la réponse pour une majorité de personnes.

Mise en contexte : les industries de la mode et du divertissement ainsi que de la publicité (pour ne nommer que ces acteurs dans le phénomène) présentent, depuis 50-60 ans, des modèles de beauté quasi-uniques et très uniformes.

Du côté féminin, il s’agit de la femme jeune, mince et féminine. Du côté masculin, c’est l’homme jeune, musclé et viril. Dans les deux cas, on a défini des critères de beauté qui sont devenus des normes de représentation pour les femmes et les hommes.

Bien que certains aspects aient évolué (on retrouve moins de femmes soumises et de dominance machiste masculine, par exemple), la minceur féminine et la musculature masculine demeurent des attributs qui se sont maintenus à travers le temps. De nos jours, ils font toujours partie des standards de beauté.

En quoi cela fait-il que, pour beaucoup, les personnes grosses sont considérées comme laides / non-attirantes ? Parce que, depuis plus d’un demi-siècle, de nombreuses industries envoient le message que « mince » est synonyme de « beau ». (Et, indirectement, que « gros » égale « pas beau ».)

De nos jours, le poids élevé est médicalisé comme étant une maladie à guérir ; la « guerre à l’obésité », en cours depuis une vingtaine d’années, s’emploie à utiliser un langage diabolisant les personnes dont le poids est considéré comme trop élevé, notamment selon l’IMC (l’indice de masse corporelle – un outil de plus en plus décrié).

La bonne nouvelle, c’est qu’on peut assez facilement modifier ce raccourci qu’être gros(se) n’est pas beau (voir question suivante).

Comment m’habituer à l’esthétique des corps gros ?

En en ajoutant dans sa vie, tout simplement. Bien que les médias sociaux peuvent être des outils contribuant à la grossophobie, ils permettent également l’accès à une diversité corporelle qui n’existe pas dans les médias traditionnels, par exemple. S’abonner à divers comptes sur le fat-acceptance (« l’acceptation des personnes gros(ses) ») sur les médias sociaux est une méthode simple et gratuite permettant de s’exposer à plus de grosses personnes dans son quotidien.

La grossophobie est-elle un enjeu féministe ?

Oui. À l’instar de la culture du viol (« rape culture »), la culture de la diète (« diet culture ») – dont émane la discrimination envers les grosses personnes – peut aussi être considérée comme une manière de dicter aux femmes quoi faire avec leur corps pour qu’il soit considéré « convenable » et « désirable » . (Il ne s’agit cependant pas d’un enjeu strictement féministe, puisque le phénomène de la grossophobie touche également les hommes.)


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