Se « sentir » gros

Identifier ses émotions est un processus relativement complexe et les nommer l’est davantage. Jeunes, on apprend à s’exprimer par l’entremise de notre environnement et des personnes qui le composent. 

Toutefois, à l’âge adulte, on a tendance à utiliser certains termes problématiques pour identifier superficiellement certaines émotions ou réalités biologiques plus complexes. 


Grossophobie et émotions ? 

Le langage est largement teinté par l’environnement social d’une personne. On utilise certains mots à tort parce qu’on n’a pas appris mieux. C’est souvent dans ce contexte que certains discours émanant de la grossophobie peuvent prendre racine.

Plus précisément, le vocabulaire autour de se “sentir” gros(se). On entend souvent l’expression ou ses variantes. 

Je me sens :

  • grosse/gros ;
  • énorme ;
  • obèse ;
  • comme une baleine ;
  • je me sens gros(se) et laid(e) ;
  • c’est « dégueu », j’ai des bourrelets ;
  • j’ai l’air « obèse » ;
  • et bien d’autres.

Les émotions de dégoût de soi sont souvent étroitement liées avec le poids.

Toutefois, ces discours envers soi-même perpétuent non seulement la grossophobie intériorisée, mais aussi les préjugés à l’égard des personnes grosses. Ce vocabulaire stigmatisant existe dans toutes les franges de la population et chez les personnes de toute tailles.


Gros(se) n’est pas un sentiment…

On a tous des journées où on se sent moins bien dans notre peau. Toutefois, en utilisant un discours oppressant et grossophobe envers soi-même, on contribue aussi à l’oppression envers les personnes grosses. Il est important d’admettre qu’il nous arrive d’utiliser des expressions grossophobes pour exprimer des émotions négatives.

La taille d’une personne n’est pas une émotion. C’est un descripteur. Les personnes grosses ne se sentent pas différemment des autres, en dehors de la stigmatisation à laquelle elles sont confrontées.  Il y a pas d’émotions spécifiques liées à l’apparence physique. On ne se sent pas roux ou unijambiste.


Les bons mots…

Utiliser les bons mots permet de mieux identifier les besoins derrière ses émotions, mais aussi de mieux les communiquer aux autres. 

Qu’est-ce qui se cache derrière le fait de se « sentir gros(se) » ?

  • Le dégout : d’avoir trop mangé, la culpabilité d’avoir dépassé ses limites. 
  • L’inconfort dans sa peau, dans ses vêtements ou son environnement. 
  • L’ambivalence ou la tristesse face à un corps changeant, à des décisions prises. 
  • L’insécurité de ne pas être représenté(e) dans les réseaux sociaux, les médias de masse, etc.
  • La jalousie car les personnes minces sont plus  »populaires »/ acceptées / aimées.

Avoir des émotions négatives en soi n’est pas problématique. Ce sont les mots qu’on utilise pour les identifier qui peuvent l’être. Il y a toute une gamme de mots pour exprimer ses insécurités. Certains sentiments sont également issus de perceptions, du regard des autres ou de soi-même. 


Comment trouver le mot juste ?

Apprendre à mieux identifier ses émotions n’est pas toujours simple. Il existe plusieurs stratégies pour mieux s’outiller. En voici quelques unes…

Consulter une roue des émotions

La roue est un concept relativement simple qui permet d’identifier l’émotion principale derrière un sentiment et permet de la préciser. Elle permet également d’enrichir son vocabulaire. Il s’agit d’un moyen sans frais et rapide.

En parler

Lorsqu’une personne utilise un language grossophobe pour parler de ses émotions, le souligner à la personne peut également être très aidant. Inversement, demander à une personne de le faire pour soi est également aidant afin d’identifier ces choix de vocabulaire parfois inconscients.

Consulter un(e) professionnel(le)

Utiliser les services d’un(e) professionnel(le) peut permettre d’explorer efficacement ses émotions complexes et douloureuses.


Il faut d’abord savoir prendre conscience de ses propres attitudes face à soi-même. C’est un grand pas vers une meilleure compréhension de soi, mais aussi vers une meilleure réalisation de sa grossophobie internalisée.

Mieux se comprendre nous permet aussi d’être plus empathique face aux autres.

Et si tout commençait par les bons mots ?


 

Partagez !
À propos de l'auteur(trice)

Catherine Labelle

Catherine Labelle est réviseure et rédactrice adjointe de Grossophobie.ca - Infos & référence. Elle est diplômée en travail social (B.A. - Université McGill) et en traductologie (M.A. - Université Concordia).

Écrivez le premier commentaire !

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée ou partagée.


*