Quand vient le temps de parler de grossophobie, personne ne voit complètement clair. Personne n’a une vue de 20/20. (Et je m’inclus là-dedans.)
Il m’est arrivé de juger les personnes grosses. Je suis la première à m’être passée dans mon propre tordeur mental. Ça m’arrive encore des fois, pendant une fraction de seconde, avant de me raviser. De temps en temps, les lunettes de ma grossophobie internalisée me retombent sur le nez. Ces maudites lunettes déformantes qui teintent l’impression qu’on doit avoir des personnes grosses…
La grossophobie internalisée, il faut le rappeler, n’est pas consciente. (Du moins, au départ.) Ce n’est pas une excuse pour ne pas prendre action contre elle, cependant. Mais c’est souvent plus difficile de prévenir un processus lent et discret, comme l’internalisation.
En fait, la grossophobie internalisée c’est comme…
Des cataractes grossophobes
Ça s’installe tranquillement, très graduellement et dès le plus jeune âge. Sans qu’on s’en rende compte. On finit éventuellement par ne plus voir clair. Et c’est désormais comment on perçoit les choses qui mènent le bal, mais pas nécessairement comment elles sont réellement. Sans trop réaliser que dehors, en fait, ça change.
La bonne nouvelle, c’est que ça s’arrange, les cataractes grossophobes…
Des verres de contacts grossophobes
En passant des cataractes aux lentilles, on est convaincu(e)s qu’on voit plus clair que jamais. On ne sent pas le filtre que ces nouvelles lentilles placent (encore) devant notre regard. On peut les porter pendant des jours et les oublier. Ça arrive même de dormir avec. Il faut vraiment avoir une grosse poussière dedans pour y penser. Pour devoir les enlever. Et cette poussière-là, on ne la voit même pas. Faut qu’elle nous fasse mal, qu’elle nous dérange, pour qu’on agisse…
Des lunettes grossophobes
Avec l’apprentissage et l’introspection, on finit par passer aux lunettes grossophobes. On croit toujours qu’on voit clair… mais le filtre est encore là. Où ça change, c’est que les lunettes, on sent davantage qu’on les porte. Avec un petit coup d’oeil, on se rappelle qu’on les a sur le nez. On oublie qu’on les porte pendant de longues périodes parfois. Mais les saletés qui viennent encrasser les verres nous rappellent à l’occasion qu’on est dû(e)s pour un petit nettoyage…
Éventuellement, on finit par ne porter de lunettes que très rarement. Mais on les a encore quelque part. Même si le modèle est défraîchi et que l’ajustement n’est plus très bon. Ça arrive encore rarement qu’on les ressorte. Qu’on croit en avoir besoin. Mais c’est rare qu’on les débarasse. On les garde, juste au cas, qu’on se dit…
Un processus réversible
La perception de sa propre grossophobie internalisée, comme l’évolution de la vue, est un processus jalonné d’étapes. Certaines surviennent plus graduellement. Et d’autres frappent particulièrement fort.
Si la vue a tendance à irréversiblement empirer avec le temps, la grossophobie internalisée peut, à l’inverse, aller d’un côté ou de l’autre. Elle se meut dans un spectre allant de l’inconscience totale au choquant – et souvent déprimant – plein constat.
Surtout, on n’évolue pas toutes et tous de la même façon. Les choses ne changent pas pour tout le monde. Quand elles changent, ce n’est pas de façon synchronisée pour l’Occident au grand complet. Il y a – et il y aura toujours – des gens qui sont « confortables » dans leur grossophobie internalisée. Qui ne cherchent pas à voir plus clair. Qui ne réalisent pas leurs cataractes, lentilles ou lunettes grossophobes.
Améliorer sa vision
Se lancer dans cet ingrat examen qu’est celui du constat – et de l’atténuation – de sa grossophobie internalisée n’est pas une garantie qu’on atteigne le bout du « processus ». (Je doute d’ailleurs qu’il y ait consensus sur ce qui représente l’aboutissement de ce « processus ». La finalité n’est sûrement pas la même pour tout le monde.)
Si la lutte contre la grossophobie chez les autres est loin d’être une bataille complétée, il demeure que chacun(e) peut mener sa propre bataille à l’échelle personnelle.
Et, comme dans le cas de leur vision, veiller au grain. Et s’assurer, par des examens réguliers, que leur vue est la meilleure possible et prendre tous les moyens qu’elle le demeure.
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