Inclusion : double standard

Avant-propos

Ce billet est écrit dans ma perspective de femme cisgenre, blanche, grosse et sensible aux enjeux des différentes discriminations. J’aimerais pouvoir dire que je connais et comprends la totalité des problèmes des différents groupes victimes d’oppression qui seront mentionnés dans ce texte : ça serait faux et malhonnête d’y prétendre.

Ce texte ne cherche d’aucune façon à amoindrir les oppressions et marginalisations vécues par d’autres groupes que celui des personnes grosses. Il ne veut en aucun cas sous-entendre que c’est plus facile pour certains groupes que pour d’autres. L’objectif ici est de partager un éclairage sur le fait qu’il arrive souvent que les personnes grosses soient traitées différemment des autres personnes marginalisées… lorsqu’on se donne le mal de les considérer.

Que ce soit clair. Toutes les luttes pour l’acceptation et l’inclusion sont valides, valables et nécessaires. Sans exception.


Inclusion à deux vitesses

De plus en plus, on constate un double standard quand les organisations veulent faire preuve d’inclusion. L’inclusion des personnes grosses ne se fait pas avec la même minutie, avec le même souci du détail que celle des autres personnes vivant de la discrimination mais étant « protégées »* par les différentes législations. Elle ne se fait vraiment pas au même rythme, non plus.

* J’écris « protégées » entre guillemets car le fait d’être inclus dans une législation à titre de personne qui ne devrait pas être discriminée est loin d’être une garantie d’absence de discrimination dans la société. Le fait de faire partie d’une « communauté protégée » n’est pas une garantie d’absence d’oppression. Il existe encore du racisme, de la LGBTQ+-phobie, de l’islamophobie, de la xénophobie, de l’âgisme, du sexisme, etc.

Le fait que l’on se « force davantage » lorsqu’on fait des efforts d’inclusion de (certaines) « communautés protégées » n’est pas un gage de la qualité de ces initiatives. Ce n’est pas non plus un signe qu’il y a suffisamment de projets inclusifs, et ce, toutes marginalisations confondues.

Et, au-delà de cette rareté d’inclusion, il semble exister un double standard dans la façon de réagir des organisations devant leurs échecs inclusifs…


Les uns…

La plupart du temps, les organisations qui se sont plantées en matière d’inclusion des communautés « protégées » vont finir par le reconnaître. (Du moins, lorsqu’il y a suffisamment de dénonciation populaire.) Sans doute dans la peur de se faire taper sur les doigts pour ne pas avoir respecté les lois en vigueur. Ou la peur de perdre des client(e)s, peut-être.

Dans certains cas, il pourrait même y avoir des excuses publiques de la part de la compagnie. La reconnaissance d’une maladresse, d’un manque de sensibilité par les responsables du message problématiques. Peu d’organisations veulent se voir affublées d’une étiquette raciste, homophobe, sexiste, etc.. Sans compter le risque de passer à la trappe de la cancel culture.

Ces erreurs sont inacceptables et méritent des excuses publiques. L’outrage des populations concernées est légitime. Particulièrement parce qu’il existe de nombreuses ressources vers lesquelles les compagnies peuvent se tourner pour obtenir des conseils avisés en matière d’inclusion et d’équité et détecter des gaffes facilement évitables…


… et nous autres.

Quand vient le temps d’inclure les personnes grosses, il n’est pas rare qu’on le fasse tout de travers. Ou à moitié.

Le cas d’Old Navy est particulièrement révélateur. L’initiative BODEQUALITY de la chaîne américaine se veut plus inclusive en matière de tailles. Elle regroupe notamment tous les vêtements féminins (tailles 0 à 28) sous une seule rubrique. (Auparavant, ils étaient séparés en « femmes » et « femmes plus ».) Toutes ces tailles sont aussi disponibles en magasins, après des années à avoir relégué les tailles « plus » au web.

Simultanément, la marque continue de proposer des jeans et maillots pour leurs caractéristiques… amincissantes.

Toujours dans l’esprit de BODEQUALITY, Old Navy offre la possibilité de voir les vêtements sur des mannequins de tailles 4, 12 et 18 (tailles petite/small, grande/large et très grande/X-large) sur son site web. Quelle surprise de constater que plusieurs des mannequins de la marque supposées représenter les tailles « plus » portent en fait du X-Large. Une grandeur qui, doit-on le rappeler, existe dans une majorité de magasins n’offrant pas de tailles « plus » !


Et on ne parle même pas de toutes les campagnes qui se disent inclusives et arrêtent à 2XL

Si on a le malheur de souligner les ratés des campagnes se disant inclusives des personnes grosses, on se fait répondre des histoires de budget restreint. Ou, pire encore, que si on n’est pas content(e)s, on n’a qu’à aller voir ailleurs. Fin.


Sauf que…

Oserait-on répondre que le manque de budget justifie une campagne raciste, LGBTQ+-phobe ou autre ? Ou suggérer que les personnes concernées aillent voir ailleurs si ça les dérange ? Jamais. Si l’outrage prend assez d’ampleur, on s’excusera de la maladresse. On tentera de remédier à la situation.

Somme toute, ce qui est présenté – souvent à tort – comme de l’inclusion n’est bien souvent que du rattrapage. Rarement un terme s’est-il vu aussi galvaudé au cours des dernières années…


C’est en constatant des situations pareilles qu’il devient de plus en plus criant d’offrir une protection légale aux personnes grosses discriminées sur leur taille. Si la protection légale, comme mentionné plus tôt, n’est pas garante de l’absence de discrimination, elle offre au moins certains recours aux personnes qui en sont victimes. (Et pourrait forcer les organisations à moins bâcler leur prétendue inclusion… !)

Les personnes grosses et les autres personnes discriminées ont toujours fait partie de la société. (En s’affichant plus ou moins ouvertement selon les mœurs et pour leur propre protection.). Ce qu’on nous vend comme une révolution d’inclusion n’est en fait que les timides débuts d’une représentation qui se rapproche légèrement plus de la réalité.


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À propos de l'auteur(trice)

Edith Bernier

Fondatrice de Grossophobie.ca - Infos & référence, conférencière et consultante, elle lutte activement contre la grossophobie depuis 2017. Elle a écrit sur les préoccupations des femmes taille plus en voyage (sur La Backpackeuse taille plus) pendant 6 ans.

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