Maxi : clichés et cie ?

La chaîne d’épicerie québécoise Maxi a lancé hier une nouvelle campagne de pub sur Facebook pour faire la promotion des produits d’ici vendus dans leurs succursales. En cette période où les producteurs agro-alimentaires locaux sont affectés par la pandémie, c’est une belle intention. Du même coup, Maxi s’engage à verser 1 $ par partage aux Banques alimentaires du Québec (jusqu’à concurrence de 250 000 $). Considérant les difficultés auxquelles sont confrontés plusieurs foyers québécois avec la crise de la COVID-19, l’intention est visiblement noble…

capture ecran maxi pub grossophobie

Sauf que…

Est-ce qu’une pub où on associe une personne grosse à une consommation alimentaire outrancière – ex. boire de la sauce St-Hubert directement de la conserve – est-elle VRAIMENT le meilleur véhicule dans ce cas ? On le rappelle, les messagés-clés semblent être la sensibilisation à la situation des personnes qui ne mangent pas à leur faim et la promotion de l’achat agro-alimentaire local.

On se retrouve ici devant un double problème :
– soit on supporte la cause en partageant des messages à connotation grossophobe ;
– ou on refuse de partager ces messages problématiques, mais on se prive de soutenir une cause respectable.


L’objectif de la rubrique Sauf que… ? Faire des études de cas de situations réelles et émanant de la culture populaire qui peuvent envoyer des messages nocifs et stigmatisants sur les personnes grosses. Ces études de cas expliqueront et décortiqueront ces messages et expliqueront en quoi ils sont grossophobes.

Le but n’est pas de faire le procès ou de créer un boycott des personnalités, entreprises ou projets étudiés.

Cet exercice est mené afin de démontrer en quoi une intention noble n’est pas toujours suffisante pour éviter les pièges de la grossophobie «socialement acceptable» et de ses messages toxiques, non seulement pour les personnes grosses, mais pour l’ensemble de la population.


Ce qui cloche dans la pub

  • Utilisation de fat-suit

On en a déjà parlé. Voir le corps gros comme quelque chose de risible ou une forme de déguisement relève de la grossophobie. Cela contribue à justifier le fat shaming et la ridiculisation des personnes vivant avec ces corps gros. Et ridiculiser, selon la définition du dictionnaire, n’est pas un acte de compassion ou d’appréciation.

Il pourrait être intéressant de se questionner à savoir si une personne «vraiment» grosse (dans le sens de «grosse sans fat suit») aurait accepté de véhiculer ces mêmes messages…

  • Sous-entendu à l’effet que les personnes grosses mangent toutes
    trop / beaucoup/ mal

La publicité de Maxi réfère que c’est dans le contexte de confinement lié à la COVID-19 que Martin Matte, son porte-parole, aurait fait l’essai des différents produits québécois (et, conséquemment, pris son poids). Si l’on considère que le confinement a débuté vers la mi-mars, et nous sommes maintenant presque en juin. On parle ici d’environ 2½ mois. Il est tout à fait possible de tester des centaines de nouveaux produits pendant cette période… sans prendre le poids suggéré par le fat suit de Matte. Dans ce cas précis, on semble avoir choisi de référer à une consommation alimentaire démesurée, évoquant le déraisonnable et la honte, le tout associé à une personne grosse.

La fin de la pub laisse une impression qui peut sembler moralisatrice ; «Pas besoin de goûter tous les produits… Commentez mettons par… 800» accompagné d’un petit ricanement inconfortable et du flattage de fausse bedaine. Sous-texte possible : «Soyez raisonnables. Ne faites pas comme moi. Et vous n’aurez pas l’air de ce que j’ai l’air.»

  • Clichés douteux sur les choix alimentaires des personnes grosses

Tremper des tomates dans de la crème glacée. Combiner cretons, épinard et feuilletés. Comme si la seule façon de faire manger des aliments dits «sains» à des personnes grosses, c’était en les combinant avec des aliments qui sont souvent associés à de la malbouffe.

L’alimentation est une question globale. Elle tient compte de chacun(e), de sa situation et de nombreux facteurs. Il n’y a pas d’aliments «sains» ou «malsains». Ce sont les comportements liés à la consommation des aliments qui peuvent l’être. Nutritionnellement parlant, il est techniquement aussi malsain de manger uniquement des épinards pendant 2 jours que de manger uniquement de la crème glacée pendant 2 jours. (Par contre, manger des épinards pendant 2 jours peut être glorifié parce que perçu comme une forme de détox ou autre cure «santé»…)


En conclusion : un cas de Lose-Lose

L’initiative était clairement plein de bonnes intentions à la base. On peut difficilement être contre l’idée de soutenir les producteurs et les organismes en précarité alimentaire du Québec. Mais la bonne foi se perd sous de nombreuses distractions.

Que la pub puisse ne pas avoir l’effet escompté ? Ça arrive. Ce qui est dommage ici, c’est que non seulement le message s’est-il perdu, mais que cela était causé par des clichés de mauvais goût sur les personnes grosses. À l’opposé du Win-Win, on était ici devant un cas de… Lose-Lose. Somme toute, personne ne gagne. Et tout le monde perd, ne serait-ce qu’un peu.

*Merci à l’abonnée à notre page Facebook qui nous a mis sur la piste de cette pub…*


Note : devant les réactions négatives de plusieurs internautes et de l’organisme ANEB (Anorexie et boulimique) Québec qui ont dénoncé le sous-texte grossophobe, la pub a été retirée de la page Facebook de Maxi. Au moment de publier, nous ne savions cependant pas si la vidéo circulait/circulerait ailleurs.


 

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À propos de l'auteur(trice)

Edith Bernier

Fondatrice de Grossophobie.ca - Infos & référence, conférencière et consultante, elle lutte activement contre la grossophobie depuis 2017. Elle a écrit sur les préoccupations des femmes taille plus en voyage (sur La Backpackeuse taille plus) pendant 6 ans.

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