Un film sur une tranche de vie d’un homme très gros a valu un Oscar à Brendan Fraser à la 95e soirée de remise de ces prestigieux prix du cinéma américain. (Sa « performance » a été soulignée par deux autres victoires lors de remises de prix précédentes : aux 28e Critics’ Choice Awards et aux 29e Screen Actors Guild Awards. De plus, le film a obtenu de nombreuses nominations depuis sa sortie à la Mostra de Venise, l’automne dernier.)
Traumavertissement & divulgâcheur :
clichés grossophobes, troubles alimentaires, intimidation, suicide
Le long métrage raconte l’histoire de Charlie, un homme gros qui décide de manger jusqu’à ce que ça le tue, en réaction au suicide de son amoureux.1
Déjà, le titre.
The Whale. La baleine.
Dans ce cas-ci, il réfère à l’épique roman Moby-Dick, évoqué dans le film et dont le titre alternatif est The Whale. Mais à combien de personnes cela rappelle-t-il AUSSI de sombres heures d’intimidation à grands coups de moqueries et d’associations à l’énorme mammifère?
Il ne faut pas tant s’en surprendre, semble-t-il. Car, à l’image de son titre, le film empilerait les clichés grossophobes : gloutonnerie écœurante, malpropreté, manque de courage et de volonté, rejet et abandon des autres, haine de soi.
Bien sûr, Charlie est quasi immobilisé dans son cloître et, sans grande surprise, finit par mourir de sa « grosseur » et de s’être mortellement empiffré.
Le tout interprété par un Brendan Fraser qui, pour célébrer son retour au grand écran, n’a pas trouvé mieux que d’enfiler un fat suit grotesque et toutes les prothèses qu’il faut pour caricaturer les personnes grosses de façon bien repoussante.
Récompenser le morbide
Cette monstrueuse transformation a d’ailleurs valu une autre statuette dorée au film, soit celle pour… les meilleurs coiffures et maquillage.
La transformation d’Austin Butler pour Elvis et les reproductions des looks de l’époque du King méritaient pas mal plus d’être soulignées. Même chose pour l’univers fantastique de Black Panther : Wakanda Forever. On leur a pourtant préféré la morbide transformation de Fraser en représentation de la déchéance humaine.
On m’a déjà dit que l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences (AMPAS) – qui vote et remet annuellement les Oscars et compterait plus de 9 000 professionnel(le)s du monde du cinéma (selon Wikipedia) – semble souvent voter pour ce qui confirme ses biais. Ce qui les conforte dans leurs croyances, aussi tordues soient-elles.
Et que ça expliquerait pourquoi des acteur(ice)s non-blancs sont majoritairement récompensé(e)s pour leurs performances dans des rôles de personnages pathétiques, tordus, corrompus, machiavéliques…
Des exemples ?
Forest Whitaker a été récompensé pour son avoir joué le brutal despote Idi Amin. Denzel Washington, malgré des performances antérieures mémorables, l’a remporté pour son rôle d’un policier paumé, corrompu et adultère.
Halle Berry, mère débordée incapable de prendre soin de son fils et qui noie son chagrin d’avoir perdu son conjoint – un meurtrier qui a été exécuté sur la chaise électrique – dans l’alcool et le sexe avec un agent correctionnel raciste.
Même la performance de Jamie Foxx, dans le rôle-titre du film sur Ray Charles, incluait son lot de tromperies diverses et de dépendance à la drogue.
Une grossophobie réconfortante ?
Est-ce que c’est le « réconfort » offert par le renforcement des préjugés grossophobes en place qui a plu à l’Académie ? Est-ce que c’est la dépravation de cet homme gros en décadente chute libre qui a su en émouvoir les membres au point de voter en masse pour Fraser?
Dans tous les cas, il y a lieu de se questionner sur ce qui se cache derrière la victoire et la célébration d’une performance par un acteur artificiellement grossi et empêtré dans tous les stéréotypes grossophobes imaginables associés au fait d’être gros(se).
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- Selon le synopsis; je n’ai toujours pas trouvé le courage – ou la folie? – de voir le film. Surtout après avoir lu ce lucide article de Lindy West sur film publié dans The Guardian
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