Une amie m’a récemment envoyé un message, complètement catastrophée. Elle est tombée sur sa nièce de 7 ans en train de jouer à Fat 2 Fit… Le jeu consiste à contrôler un personnage, légèrement gros en début de parcours, qui doit compléter une course à obstacles. L’itinéraire est rempli de hamburgers et de concombres, que l’on doit choisir… ou éviter. Les concombres font mincir et les hamburgers font engraisser. À vue d’oeil dans les deux cas.
Avis : le contenu de cet article – incluant la vidéo – peut être troublant.
Les personnes ayant vécu / vivant avec un trouble du comportement alimentaire ou
un trouble de l’image corporelle pourraient s’en trouver affectées.
La présentation accompagnant Fat 2 Fit (« De gros à en forme ») dans le Play Store est la suivante : Toutes les tailles sont merveilleuses et requises pour gagner! Choisissez judicieusement votre diète pour vous assurer de pouvoir surmonter les obstacles et atteindre la ligne d’arrivée. Parfois, le hamburger est le bon choix, mais d’autres fois, le concombre est roi! Amusez-vous. 1
L’objectif de la rubrique Sauf que… ? Faire des études de cas de situations réelles et émanant de la culture populaire qui peuvent envoyer des messages nocifs et stigmatisants sur les personnes grosses. Ces études de cas expliqueront et décortiqueront ces messages et expliqueront en quoi ils sont grossophobes.
Cet exercice est mené afin de démontrer en quoi une intention noble n’est pas toujours suffisante pour éviter les pièges de la grossophobie « socialement acceptable » et de ses messages toxiques, non seulement pour les personnes grosses, mais pour l’ensemble de la population.
L’ensemble des messages envoyés par Fat 2 Fit, un jeu de la compagnie française Voodoo, est profondément enraciné dans la grossophobie et dans les cultures de la diète et de la minceur.
Bien que ce jeu précis ne semble exister que sur Android (via le Google Play Store), de nombreuses alternatives aussi grossophobes et troublantes sont disponibles dans l’App Store d’Apple. Parmi les plus populaires, on note Body Run 3D… aussi de la firme Voodoo.
D’abord, la femme grosse…
Le personnage de base que l’on contrôle est une femme. Légèrement grosse en début de parcours, sa silhouette évolue, selon les principes évoqués plus haut. Ce n’est qu’autour du 7e niveau que l’on a accès à une version alternative du personnage contrôlé. Tel que vu dans la vidéo ci-bas, le 2e choix s’est avéré être un homme noir.
Pour avoir accès à davantage de versions du personnage, il faut persister dans les niveaux. Ce que votre testeuse n’a pas tenu à s’imposer. (Car au-delà de tous les messages troublants du jeu, ce dernier compte aussi un nombre effarant de pauses commerciales obligatoires…)
Démonisation des aliments
La sur-simplification de ce qu’apporte la consommation de « bons » aliments (i.e. les concombres, les melons) ou des « mauvais » (i.e. les hamburgers, les beignes) ne peut que troubler le jugement de quiconque n’est pas renseigné(e) sur la nutrition ou est facilement influencé(e) par les tendances alimentaires vues un peu partout sur les réseaux sociaux.
Une simple recherche des « nature cereals » sur TikTok suffit pour constater l’ampleur – le ridicule ? – que peuvent prendre certaines tendances alimentaires.
Mais que sont ces « céréales de la nature », au juste ?
Ce sont en fait plus ou moins… des bols de salades de fruits.
Il semble y avoir éventuellement d’autres aliments qui s’ajoutent à la dichotomie « engraissant »/ « amaigrissant », dont des hot-dogs et des aubergines… (On vous laisse deviner quel aliment fait quoi…) Encore une fois, il faut avoir le force mentale de s’enfiler les niveaux, afin d’avoir droit à plus de « variété »…
Au-delà des faux messages nutritionnels véhiculés, le fait de donner une « valeur » aux aliments peut aussi avoir un effet néfaste chez les personnes vivant/ayant vécu avec un trouble du comportement alimentaire ou de l’image corporelle.
La grosse personne maladroite qui casse-tout
Si on a le « malheur » de manger trop de burgers, on devient « trop gros(se) ». « Trop gros(se) » pour franchir les obstacles, ou pour en redescendre sans s’écraser. (Ou finir en roulant comme une boule de bowling.) « Trop lourd(e) » pour marcher sur la glace sans que celle-ci ne se brise sous son poids, forçant le personnage à couler à pic. (Parce que, bien sûr, ça ne nage pas et ne flotte pas, une personne grosse…) Sans compter l’incapacité à faire des sauts. Sauts que le personnage qui carbure aux concombres, peut compléter aisément, mais qui mènent inexorablement la version XXXL à couler à pic.
Extraits vidéo du jeu Fat 2 Fit capturés par l’autrice du texte :
Question de ne pas se sentir rassuré(e) du tout… Au moment de publier, le jeu caracolait parmi les applis les plus populaires (tous types confondus) de la plateforme Play Store de Google.
Une lueur d’espoir ?
La « bonne nouvelle » dans tout ça, c’est que de nombreux utilisateur(trice)s du jeu ont laissé des commentaires dénonçant le contenu de Fat 2 Fit dans le Google Play Store. 2
- « Ce jeu n’est rien de plus qu’une nuisance. J’ai eu des problèmes avec mon image corporelle depuis des années et je me suis basée sur une critique qui disait que c’était un bon jeu pour passer le temps. Ce n’est pas le cas. Le peu de confiance que j’avais par rapport à mon corps a disparu. On y promeut des normes qui peuvent être extrêmement préjudiciables pour le public, le message est qu’il faut avoir un look en particulier pour être joli(e). C’est comme dire qu’il faut être une rose pour être belle, lorsqu’on est une tulipe. Cessez d’encourager ce jeu. »
- « Cette appli est si stupide. Le fait qu’elle s’axe sur le poids féminin est dégoûtant. Si vous mangez trop, vous perdez la partie, et si vous ne mangez que des aliments sains et devenez incroyablement et dangereusement mince, vous êtes ‘parfait(e)’ Et si vous devenez trop gros(se) au cours du jeu, comme vous êtes trop ‘lourd(e)’, vous défoncez le plancher. Cette appli est incroyablement stupide. »
- « Ce jeu envoie le message que si vous mangez 1 hamburger vous serez obèse, et c’est faux. Vous pouvez manger des aliments santé toute votre vie et être gros(se) quand même (en passant, être gros(se) n’est pas une mauvaise chose). L’état d’esprit véhiculé par ce type de jeu contribue aux troubles alimentaires et à ce que les gens croient qu’il faille être mince pour être beau/belle. »
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- Traduction libre de : All sizes are wonderful and necessary to win the game! Choose your diet wisely to ensure you can clear the obstacles and reach the finish line. Sometime a burger is the right choice, but other times, the cucumber is king! Have fun.
- Les critiques ont été traduites de l’anglais. (Source)
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