Plusieurs personnes actives dans la sensibilisation et la lutte contre la grossophobie ont entendu des propos de professionnel(le)s de la santé particulièrement insensibles à l’égard des personnes grosses. Des propos qui, en plus d’être grossophobes, sont dénoncés par de nombreux de mes consoeurs et confrères, mais aussi par de plus en plus de chercheur(s), médecins, psychologues, nutritionnistes et autres personnes alliées de la cause.
«Professionnel» de la «santé» ?
Le Dr Maurice Larocque fait partie, depuis des années, de ces «professionnel(le)s de la santé» qui trouvent que toutes les raisons sont bonnes pour faire preuve de grossophobie, en plus de capitaliser gros (!!!) sur l’industrie des régimes et la culture des diètes. Des diètes qui, doit-on le rappeler, ont des taux d’échecs dans les 90% et plus. Il est derrière la clinique Motivation minceur à Laval. Il est aussi l’auteur de plusieurs livres aux propos questionnables, allant de la diète cétogène (keto) à la perte de poids par le subconscient.
C’est ainsi qu’il a choisi, avec sa fille, la docteure en psychologie Caroline Larocque, de lancer une «formation interactive et théorico-pratique sur l’obésité et son traitement». Au coût modique de 430 $. Le document indique même un code pour la formation continue de l’Ordre des pharmaciens du Québec OU l’Ordre des psychologues du Québec (tous deux désignés par «OPQ»).
Jusque là, rien de trop surprenant (même si ses propos et son «oeuvre» sont plus que problématiques). Il s’en tient à son discours habituel. Le (plus gros du) problème est ailleurs…
Pourquoi moi ?
Vous vous douterez que j’ai été moi-même très surprise de recevoir une invitation en bonne et due forme pour cette formation. Je me suis bien demandée comment ils ont pu 1) obtenir mon courriel et 2) croire que j’étais une bonne candidate à solliciter pour une formation… qui est diamétralement opposée à mon discours ! (Ce n’est pas la première fois que ça m’arrive, pourtant…)
En fait, tout porte à croire que la sollicitation et les invitations pour cette formation ont été faites en utilisant notamment la liste d’adresses courriel… des membres du Groupe de travail provincial sur les problématiques du poids (GTPPP)1 Après vérification, au moins 4 autres membres du groupe ont reçu la même sollicitation.
Le GTPPP – dont je fais partie ainsi que plusieurs expert(e)s2 – a développé de[s] principes directeurs pour l’adoption de discours plus inclusifs et positifs autour du poids. Il faut savoir que l’essentiel des personnes qui poursuivent les travaux avec ce groupe luttent pour une meilleure inclusion des personnes grosses ou, du moins, pour une moins grande stigmatisation de ces personnes en société. (Je n’en ferais pas partie, sinon, vous vous en doutez bien…!)
Pour l’éthique, on repassera…
Déjà, le Dr Maurice Larocque a eu l’audace de se joindre à un groupe qui veut déstigmatiser les discours à l’égard des personnes grosses et du poids. Et il en remet une couche, en utilisant pour son profit personnel et surtout, sans consentement, les adresses des participant(e)s de ce groupe. Des personnes grosses et/ou lié(e)s à la lutte contre la grossophobie qui sont, dans une forte majorité, choquées par des propos comme les siens. Et parmi lesquelles il pourrait y avoir des gens affectés par les discours tenus dans le courriel, la publicité ou encore la vidéo jointe.
Le serment professionnel des médecins du Québec (depuis 1999) se lit comme suit :
J’affirme solennellement que :
(tiré du site du Collège des médecins du Québec)
Je remplirai mes devoirs de médecin envers tous les patients avec conscience, loyauté et intégrité
Je respecterai le secret professionnel et ne révélerai à personne ce qui est venu à ma connaissance dans l’exercice de la profession à moins que le patient ou la loi ne m’y autorise
Je conformerai ma conduite professionnelle aux principes du Code de déontologie
Je serai loyal à ma profession et je porterai respect à mes collègues
Je me comporterai toujours selon l’honneur et la dignité de la profession.
Voilà bien une situation dans laquelle il y a un flagrant manque à «l’honneur et la dignité de la profession«. (Bien que le Dr Maurice Larocque ait fort probablement reçu son droit de pratique avant 1999, il existait sans aucun doute, dans la version du serment de l’époque, des clauses similaires…)
C’est sans compter le fait qu’il y a sûrement des contre-indications éthiques à ce genre de pratique du côté de l’Ordre des psychologues du Québec, dont fait partie la Dre Caroline Larocque…
Par souci de rapidité de publication, il n’a pas été possible de consulter de façon détaillée les codes de déontologie québécois des médecins et des psychologues quant à ce type de pratique de la part d’un de leurs membres. (Si vous êtes calé[e]s sur la question et désirez donner un coup de main à la recherche sur la question, vous pouvez nous joindre ici.)
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- J’ai eu la puce à l’oreille quand j’ai été sollicitée sur deux adresse courriels, les 2 mêmes qui s’étaient retrouvées par inadvertance dans la liste d’envoi des courriels du GTPPP
- Pour consulter la liste complète, voir la page 19 du 1er rapport du GTPPP, intitulé Pour des communications saines sur les problématiques reliées au poids
Le serment d’Hypocrate est encore en vigeur je suppose? Il y est écrit qu’il ne fallait pas nuir aux patients, non? Donc, la question se pose : en stigmatisant des patientEs, respecte-t-on ce serment?