Le droit de dire « non »

L’annonce, dans le Journal de l’Association médicale canadienne, d’une nouvelle ligne directrice de pratique clinique pour les personnes considérées « obèses » a fait grand bruit dans les médias.

Il manque cependant un volet complet – et CRUCIAL – à cette ligne directrice…

Celui consacré au droit de dire « non ».


L’objectif de la rubrique Sauf que… ? Faire des études de cas de situations réelles qui peuvent envoyer des messages nocifs et stigmatisants sur les personnes grosses. Ces études de cas expliqueront et décortiqueront ces messages et expliqueront en quoi ils sont grossophobes.

Le but n’est pas de faire le procès ou de créer un boycott des personnalités, entreprises ou projets étudiés.

Cet exercice est mené afin de démontrer en quoi une intention noble n’est pas toujours suffisante pour éviter les pièges de la grossophobie « socialement acceptable » et de ses messages toxiques, non seulement pour les personnes grosses, mais pour l’ensemble de la population.


Certes, le document encourage d’avoir le consentement d’un(e) patient(e) avant de parler de son poids. (Ce qui relève pourtant de l’évidence pour aborder tout sujet médical, mais ça, c’est une autre histoire…) Le document semble vouloir reconnaître, mais pas dans toute son ampleur, la stigmatisation liée au poids; « Les personnes vivant avec l’obésité font l’objet de préjugés et sont passablement stigmatisées […]. » (Il faut voir dans quel sens le terme « passablement » est utilisé ; veut-on dire « de façon passable, tout juste suffisante » ou encore « de façon notable » ? Selon le cas, le message peut être complètement différent !)


La présomption du désir de maigrir

Aucun aspect du document ne rappelle que TOUTES les personnes grosses sont sujettes à vivre de la grossophobie médicale. Et que toutes les personnes grosses qui consultent un(e) professionnel(le) de la santé doivent être traitées avec respect. Pas uniquement celles qui aspirent à maigrir. La nouvelle ligne directrice – dont l’un des instigateurs est Obésité Canada – fait complètement abstraction du fait qu’il existe plein de personnes grosses qui consultent des professionnels de la santé pour des raisons autres que leur poids.  Ces dernières sont pourtant AUSSI victimes de la grossophobie qui existe dans le milieux des soins de santé.

Le document se permet de rappeler qu’il faut respecter les personnes grosses qui veulent maigrir. Visiblement, il faut aussi rappeler que toute personne mérite d’être traitée avec dignité et respect par le corps médical. Même si elle n’aspire pas à la perte de poids. Quel que soit son état de santé. Et peu importe si son état de santé est lié – de près, de loin, ou pas du tout – à son poids corporel.

On semble y présumer que toute personne considérée « en surpoids » ou « obèse » aspire à maigrir. Dans l’infographie « Guide de pratique clinique » (page 3), on omet complètement le cheminement clinique d’un(e) patient(e) qui refuserait de discuter de son poids.


La pathologie persistante

La désignation de « l’obésité » à titre de « maladie (chronique) » pourrait contribuer à une meilleure couverture des soins et médicaments utilisés dans une perspective de perte de poids par les régimes d’assurance-maladie provinciaux, notamment. Mais cette persistance à déclarer les personnes grosses comme malades perpétuent la pathologisation du poids corporel dit « élevé » (selon l’IMC, entre autres). Cela contribue à associer un aura maladif autour des personnes grosses. Voir unilatéralement le fait d’être gros(se) comme une maladie, c’est perpétuer la croyance que toutes les personnes gros(se)s sont en mauvaise santé. Qu’on doit les guérir. À tout prix.

Mais surtout, cela donne l’impression qu’un poids élevé doit / peut être « guéri ». Si l’on considère les risques associés à la chirurgie bariatrique ou encore l’insuccès documenté des diètes et régimes, le prix associé à la perte de poids peut être fort élevé. (Et inutiles, dans certains cas.) Faut-il le rappeler, les effets à longs terme du « traitement de l’obésité » par la chirurgie de l’obésité sont encore mal connus… (Et ce qu’on a constaté peut être assez consternant.)

C’est pourquoi il est essentiel d’avoir le droit de dire « non ». Et de ne pas payer en grossophobie médicale le prix de ne pas aspirer à la perte de poids.


 

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À propos de l'auteur(trice)

Edith Bernier

Fondatrice de Grossophobie.ca - Infos & référence, conférencière et consultante, elle lutte activement contre la grossophobie depuis 2017. Elle a écrit sur les préoccupations des femmes taille plus en voyage (sur La Backpackeuse taille plus) pendant 6 ans.

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