Bien que l’équipe de Grossophobie.ca – Infos & référence se soit imposée un ralentissement d’activités pour cause d’obligations personnelles et professionnelles, il semblait important d’explorer une réalité qui ressort, particulièrement sur le web, après 2 semaines de confinement.
Une autre pandémie.
La pandémie de grossophobie qui ressort de ce confinement forcé…
L’objectif de la rubrique Sauf que… ? Faire des études de cas de situations réelles et émanant de la culture populaire qui peuvent envoyer des messages nocifs et stigmatisants sur les personnes grosses. Ces études de cas expliqueront et décortiqueront ces messages et expliqueront en quoi ils sont grossophobes.
Le but n’est pas de faire le procès ou de créer un boycott des personnalités, entreprises ou projets étudiés.
Cet exercice est mené afin de démontrer en quoi une intention noble n’est pas toujours suffisante pour éviter les pièges de la grossophobie « socialement acceptable » et de ses messages toxiques, non seulement pour les personnes grosses, mais pour l’ensemble de la population.
Une nouvelle normalité
Après une période de relative désorganisation – perte de travail/commencer le travail à la maison, présence des enfants à la maison 24/7, changement des habitudes de sortie, des courses, etc. -, beaucoup ont commencé à développer une nouvelle « routine ».
Si l’incertitude quant à la durée et aux restrictions liées au confinement demeure et peut être source d’anxiété (ou amplifier celle-ci), cela ne devrait quand même pas donner libre cours à la grossophobie.
Parce que dans cette nouvelle normalité, il y a celle d’être chez soi, que ce soit au chômage ou en télé-travail. Avec ou sans enfants. Mais surtout avec le frigo et le garde-manger plus ou moins loin et, pour certain(e)s, bien garnis. (Question d’éviter d’aller faire les courses, confinement oblige.)
Surtout : on est loin de bien des regards qui peuvent avoir une influence sur ce qu’on mange en public. Que ce soit au bureau, au resto, chez des ami(e)s, etc. Plus besoin d’avoir honte de grignoter toute la journée. De manger de la junk plus souvent. De consommer plus d’alcool, plus tôt et plus souvent que d’habitude…
*Avis : certaines captures d’écrans plus bas pourraient être blessantes pour les personnes sensibles.*
L'(auto)humiliation au rendez-vous
Dans l’absence du regard des autres et de la peur de leur jugement, il reste quoi ? Son propre jugement. Sur le fait qu’on s’habille trop en « mou ». Qu’on ne sait plus quoi faire avec les enfants. Qu’on n’est pas assez productif(ve)s. Et plus encore. La grossophobie internalisée semble faire partie des jugements de beaucoup de personnes, malheureusement. Particulièrement sur les réseaux sociaux.
On juge la quantité de nourriture qu’on ingère. La « qualité » des aliments consommés. L’horaire des repas. L’exercice qu’on ne fait pas (ou pas assez). Le poids qu’on a pris ou qu’on a peur de prendre. On ressort plein de monstres liés à l’alimentation. Des « bibittes » qu’on croyait avoir laissées derrière, quelque part entre l’Halloween et l’après-temps des fêtes.
Et si la culpabilité et le remord ne vient pas de soi, ils peuvent très facilement venir des autres. Pire encore : il peut venir de personnes qui tentent de profiter de cette culpabilité et de l’anxiété corporelle actuelle pour en ajouter. (Voir même en tirer profit.)
Sauf que…
C’est pas parce qu’on vit une nouvelle normalité que tout cela devient moins grossophobe. Avoir envie de manger en réaction au stress, à l’anxiété et à l’angoisse est une réponse physique normale.
Pourtant, dans notre environnement obésogène actuel, dans lequel la nourriture est abondante, agréable et facilement accessible, la prolifération de stresseurs peut conduire à se nourrir dans une perspective non-homéostatique – en d’autres mots, manger sans besoin métabolique. Des épisodes répétés de stresseurs quotidiens mineurs qui maintiennent les mécanismes du stress actifs de façon chronique peuvent modifier les connexions cérébrales liées au plaisir/à la motivation, impliquées dans le désir et la quête d’aliments super-agréables et induire des changements métaboliques qui peuvent entraîner le gain de poids et de gras corporel. (trad. libre.)
Source : Yau, Y H C, and M N Potenza. « Stress and eating behaviors. » Minerva endocrinologica vol. 38,3 (2013): 255-67.
Faut-il le rappeler : la situation actuelle, en elle-même, est une forme de stress. La pandémie de COVID-19 est derrière plusieurs inquiétudes chez de nombreuses personnes : stress professionnel, financier, familial, peur d’être malade, méfiance, etc. Sans parler de l’angoisse et l’anxiété que peuvent causer l’isolement physique et/ou social.
Un mot pour les personnes vivant avec un trouble alimentaire
Rien n’est plus légitime que l’anxiété vécue dans les circonstances exceptionnelles actuelles. Pour plusieurs personnes vivant avec un trouble alimentaire, cette période peut être particulièrement éprouvante. Les messages à l’effet qu’il faut surveiller sa ligne en cette période d’isolement sont encore plus toxiques pour ces personnes. Même chose pour toute forme d’humiliation ou de honte liée au gain de poids. Imaginez la pression vécue par les personnes aux prises avec ces affections…
D’ailleurs, que l’on vive – ou pas – avec un trouble alimentaire, l’état de confinement fait que chacun(e) se retrouve, à un moment ou à un autre, face à face à sa relation avec la nourriture. Et que c’est un face-à-face qui peut parfois relever de la confrontation…
Humiliation, culpabilité… non merci.
Personne n’a besoin des messages grossophobes qui percent derrière l’humiliation qui est associée aux choix ou aux habitudes alimentaires développés pendant la pandémie. (Ni à aucun autre moment, d’ailleurs.)
Afin de garder un minimum de sanité d’esprit à travers cette crise, pourquoi ne pas plutôt explorer des méthodes qui contribueront à diminuer les sentiments d’anxiété, de panique ou de stress ? Beaucoup plus productif, à court, moyen ou long terme, n’est-ce pas ?
Les comportements et habitudes alimentaires que le confinement génère sont temporaires et prendront sans doute fin avec l’isolement requis par la pandémie. Mais les conséquences et dommages des discours grossophobes – les siens et ceux des autres – pourraient, quant à eux, durer beaucoup plus longtemps que la crise. Somme toute, ces messages grossophobes pourraient s’avérer bien plus dommageables, particulièrement s’ils deviennent permanents.
Vous vivez avec un trouble alimentaire et avez besoin de soutien ?
ANEB Québec est à l’écoute des personnes de tous âges pendant la pandémie. Par texto (1-800-630-0907, 11h-15h30), clavardage (anebados.com, 16h-20h30) ou sur sa ligne d’écoute et référence (514-630-0907 – sans frais 1-800-630-0907, 8h-3h)
Vous vivez de l’anxiété, de l’angoisse ou d’autres sentiments difficiles liés à la pandémie de COVID-19 ?
Info-Social 811 est disponible pendant la crise.
Avez-vous été victime de grossophobie médicale lors de votre quête de soins dans le cadre de la pandémie de COVID-19 ?
Consultez notre guide « Grossophobie médicale : conseils et recours » pour savoir comment faire valoir vos droits.
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