S’aimer… à tout prix ?

Ah, cette injonction de s’aimer.

Si elle part presque toujours des meilleures intentions, les personnes ne sont pas toutes égales devant leur capacité et leur aptitude à faire la paix avec leur corps. Avec ce qu’il représente aussi. Devant l’injonction de s’aimer, toutes et tous n’ont pas les mêmes opportunités.


S’aimer… sans inspiration.

De nombreuses personnalités, élevées à titre d’idoles du fat acceptance ont fait le choix de perdre du poids. On peut comprendre pourquoi : elles sont sans doute soumises à un examen encore plus minutieux de leurs faits et gestes que les personnes grosses « anonymes ». (Rappelons cependant qu’on n’a pas à partager leur désir d’opter pour l’amaigrissement.)

Certes, les rangs des personnes grosses et inspirantes peuvent sembler plutôt déserts, par moments. Heureusement, comme c’est le cas dans d’autres domaines, le fat acceptance évolue, et ses voix se multiplient et se diversifient. Ce qui est triste cependant, c’est que ces voix sont trop souvent reléguées à l’arrière-plan et ce, même dans des mouvements qui se veulent sensibles aux inégalités sociales. (Le féminisme, par exemple.)


S’aimer… sans les privilèges.

Il faut aussi s’avoir s’apprécier malgré que certaines personnes privilégiées évoquent leurs complexes privés. Des « défauts » qui nous semblent parfois si discrets que l’on a envie de les qualifier de « beaux problèmes ». Surtout quand, en opposition, on a un corps dont la grosseur publique ne peut être camouflée. Un corps qui fait que, bien souvent, Monsieur-Madame-Tout-le-Monde présume qu’on en a honte. (De quoi complexer même les plus assumé[e]s…)

Lorsque ces ordres de self love viennent d’une personne privilégiée qui n’a pas vécu de grossophobie, ils peuvent être particulièrement difficile à prendre.
C’est souvent plus facile de s’aimer quand t’es une personne caucasienne qui peut mettre un beau kit de yoga blanc moulant et écourté.
Même si, dans un moment de ballonnement, tu as vécu – et immortalisé d’un selfie sur Instagram – un ventre qui n’était pas plat (voire concave).


Aimons-nous… malgré tout.

En dépit de la pression constante de ne pas le faire. Savoir s’apprécier envers et contre tous ces messages qui voudraient le contraire.

Les personnes grosses ne sont pas toutes égales face à la grossophobie. Il y a un monde entre Ashley Graham, typique small fat, féminine, blanche, et une personne infinifat, soit très, très grosse, ou encore une personne grosse qui soit racisée, LGBTQ+, vivant avec un handicap, ou autre forme de marginalisation. Aimons-nous en dépit de nos oppressions.

Aimons-nous aussi malgré les blessures que notre grosseur nous a amenées, comme l’intimidation, le rejet, l’isolement… Malgré ce qui a rendu nos corps gros : génétique, pauvreté, abus physiques, sexuels et/ou psychologiques, épisodes difficiles de santé mentale, addictions, maladies…

Comme le chantait Yvon Deschamps : Aimons-nous quand même.


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À propos de l'auteur(trice)

Edith Bernier

Fondatrice de Grossophobie.ca - Infos & référence, conférencière et consultante, elle lutte activement contre la grossophobie depuis 2017. Elle a écrit sur les préoccupations des femmes taille plus en voyage (sur La Backpackeuse taille plus) pendant 6 ans.

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