La vaccination grossophobe

Depuis 1 an, rares sont les tribunes qui n’ont pas cédé à la tentation de partager des nouvelles sur la COVID-19 et les risques augmentés allégués pour les personnes dites “obèses” (IMC de 30 ou plus). Emplois refusés à des personnes jugées “trop grosses” en milieu de soins, risques augmentés de contracter la COVID-19 même à exposition égale, chances beaucoup plus importantes de développer la forme grave, pourcentage de décès qui explosent chez les personnes grosses… Autant de sujets qui ont été abordés sur cette plateforme au cours de la dernière année. Presque partout, on pointe du doigt vers ces gens qui ne peuvent fuir leur silhouette. Une silhouette qui les discriminait déjà beaucoup trop, même AVANT la pandémie.


Les autorités sanitaires canadiennes ont rapporté que[…] certains Canadiens sont plus susceptibles de développer une forme grave ou des complications de la maladie en raison de […] problèmes de santé.” Même son de cloche du côté des experts en santé publique du Québec. Les personnes grosses sont sommées de prendre des mesures de précautions supplémentaires pour se protéger, question de ne pas engorger le système de santé, déjà poussé à la limite.

L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), dans son Avis préliminaire sur les groupes prioritaires pour la vaccination contre la COVID-19 au Québec de novembre 2020, évoquait l’obésité aux côtés d’autres “facteurs de risques de complications liées à la COVID-19”. (À la page 9, une étude québécoise suggère même que l’obésité est une “maladie identifiée comme facteur de risque” contribuant aux décès ET aux hospitalisations, alors qu’une étude du Comité consultatif national de l’immunisation ne reconnaissait un IMC au-delà de 40 comme un facteur de risque uniquement pour les hospitalisations…)

Au niveau canadien, les personnes jugées “obèses” représentent 20 à 30% de la population des 20 à 64 ans

Statistique Canada
Feuillets d’information de la santé – Embonpoint et obésité chez les adultes, 2018


Revirement total de situation

Quel choc ce fut d’apprendre ce matin que les personnes considérées “obèses” qui vivent au Québec ne feront pas partie du groupe prioritaire 8, soit celui des “personnes adultes de moins de 60 ans qui ont une maladie chronique ou un problème de santé augmentant le risque de complications de la COVID-19”.

Les personnes identifiées comme étant “malades chroniques” sont “celles qui se rendent à l’hôpital [régulièrement] pour recevoir des traitements ou consulter un médecin. Toujours selon cet article, “les malades chroniques présentant les plus forts niveaux de risques ont été priorisés”.

Difficile de nier la présence d’une flagrante et profonde dissonance entre l’alarmisme créé sur le dos des personnes grosses depuis le début de la pandémie de COVID-19 et ce refus soudain de ne pas protéger ce groupe, trop habitué des stigmatisations aussi humiliantes que dangereuses.

En résumé : toute personne grosse qui n’est pas hospitalisée ou ne fréquente pas régulièrement une clinique pour obtenir des soins ne sera pas vaccinée à titre de « malade chronique ». (C’est du moins ce que semble confirmer un tweet de Marjaurie Côté-Boileau, attachée de presse de Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec ainsi que le communiqué de presse émis par le gouvernement du Québec.)


Un message aussi terrifiant que questionnable

Il y a de quoi se questioner sur la conclusion ou du moins sur les messages qui ressortent de ce revirement soudain.

Les personnes grosses ne sont finalement pas si à risque qu’on l’a laissé croire et on leur a allègrement tapé dessus pour rien depuis un an.

OU

Les personnes grosses sont peut-être vraiment à risques élevés, mais la grossophobie a pris le dessus sur le désir de protéger ce segment de la population.


Dans les deux cas, de graves constats émanent.

Et, dans les deux cas, on se retrouve devant l’évidence que la grossophobie est plus que jamais un enjeu systémique qui s’appuie sur des raisons boiteuses mais dont les conséquences peuvent être… funestes.


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À propos de l'auteur(trice)

Edith Bernier

Fondatrice de Grossophobie.ca - Infos & référence, conférencière et consultante, elle lutte activement contre la grossophobie depuis 2017. Elle a écrit sur les préoccupations des femmes taille plus en voyage (sur La Backpackeuse taille plus) pendant 6 ans.

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