La 8e édition du Défi 28 jours sans alcool de la Fondation Jean Lapointe est en blitz final. Le but ? Ne pas consommer d’alcool en février. L’objectif ? Amasser des fonds afin «de sensibiliser plus de 80 000 ados aux risques liés à la consommation d’alcool et autres drogues». Difficile de faire des reproches à ce genre d’initiative…
Sauf que…
C’est après avoir lu un article sur le Défi qui menait vers le baromètre des dons collectés que mes yeux sont tombés sur le nombre le plus imposant de ce «tableau de bord»… Celui des «calories économisées».
D’abord ravie d’apprendre que la campagne avait dépassé largement ses objectifs – une excellente nouvelle en temps de pandémie – , j’ai difficilement pu réprimer un eye-roll en constatant cette mention.
L’objectif de la rubrique Sauf que… ? Faire des études de cas de situations réelles et émanant de la culture populaire qui peuvent envoyer des messages nocifs et stigmatisants sur les personnes grosses. Ces études de cas expliqueront et décortiqueront ces messages et expliqueront en quoi ils sont grossophobes.
Le but n’est pas de faire le procès ou de créer un boycott des personnalités, entreprises ou projets étudiés.
Cet exercice est mené afin de démontrer en quoi une intention noble n’est pas toujours suffisante pour éviter les pièges de la grossophobie « socialement acceptable » et de ses messages toxiques, non seulement pour les personnes grosses, mais pour l’ensemble de la population.
Effets > intentions
Il n’y a absolument rien de mal à souligner les apports potentiels en matière de santé – physique ou mentale – que peuvent apporter la participation à une activité comme le Défi 28 jours sans alcool. Le problème, dans ce cas précis, c’est que la seule donnée utilisée à cette fin (i.e. les calories «non consommées») n’est pas un réel indicateur de santé, justement.
D’abord, il y a l’aspect problématique de présenter les «calories économisées» comme une forme de «victoire» ou de «succès». La présentation de ce type de données relève directement de la culture de la diète, où les sacro-saintes données que sont le poids et les calories règnent…
Il ne faut pas non plus oublier le risque que cette donnée agisse comme déclencheur chez les personnes vivant avec un trouble du comportement alimentaire (TCA) ou de l’image corporelle.
Une donnée qui ne dit pas grand-chose…
Julia Lévy-Ndejuru, la nutritionniste derrière Nutrition Positive, abonde dans le même sens : «L’idée que toute calorie non-consommée mérite d’être célébrée est à remettre à en question. La calorie est une unité d’énergie qui a malheureusement été diabolisée en raison de la grossophobie. En utilisant cette mesure pour établir le succès de cette campagne, on participe à cette diabolisation.»
Mais ce n’est pas tout. D’après celle qui contribue régulièrement à des publications pour l’organisme montréalais ÉquiLibre, «consommer moins de calories n’est pas nécessairement bon pour la santé. Les calories et les divers aliments desquelles elles proviennent nous permettent de fonctionner. On peut très bien ressentir les bienfaits d’une consommation d’alcool réduite sans pour autant consommer moins de calories globalement.»
Less is more. (Moins, c’est plus.)
Dans le cas du Défi 28 jours, il y aurait eu de nombreuses façons de souligner les bienfaits sur le santé qu’une consommation d’alcool réduite peut emmener. (En utilisant des formules comme celles qu’on avançait pour des meilleures campagnes de santé publique, par exemple.) Une chose est certaine : l’évocation des calories, dans le cadre du Défi, n’a pas de réelle valeur ajoutée, du moins, dans sa présentation actuelle.
Omettre cette information n’aurait rien enlevé à la campagne, mais l’ajouter peut en fausser le message. C’est pourquoi, dans ce cas précis, moins en dire aurait pu envoyer un message plus positif (ou moins stigmatisant).
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