Je ne suis pas grossophobe, mais…

Se faire taxer de grossophobie devient, lentement mais de plus en plus, une association mal vue en société. (Il était à peu près temps…) Mais comme le grand public en sait encore assez peu sur cette discrimination à l’égard des personnes grosses, beaucoup de cas de grossophobie passent encore sous silence.

Pire encore, beaucoup de personnes ou d’organisations se présentant comme étant contre la grossophobie ont des messages qui clochent… 

Grossophobe, on l’est ou on ne l’est pas. On est grossophobe, même si on l’est “juste un peu”. Que ce soit très clair : il n’existe pas de niveau de grossophobie qui rend la chose positive ou même “moins pire”. 


Pas de “mais”

Pensez au racisme ou à l’homophobie, par exemple. Viendrait-il en tête de qui que ce soit de croire qu’il existe un niveau d’homophobie ou de racisme qui fait que ça pourrait être considéré comme faisant partie d’un “spectre” relevant de “l’homophobie tolérable” ou du “racisme acceptable” ? Pourtant, il existe une grossophobie “de second niveau” qui passe encore et ce, même à l’oeil de plusieurs personnes pourtant relativement informées à la cause.

* Je reconnais pleinement que le fait qu’une discrimination soit incluse dans la Charte des droits et libertés du Québec ne garantit absolument pas que personne n’en vit ou qu’elle n’existe pas en société. De plus, l’objectif ici n’est pas de dire qu’il existe des discriminations reconnues par la Charte qui soient « pires » ou « moindres » que d’autres.


Une grossophobie de “second niveau”

Des exemples de cette grossophobie de “second niveau” ? Le cas le plus flagrant est sans doute celui de l’organisation Obésité Canada (OC – dont on a déjà parlé à de nombreuses reprises sur ce site). Les actions d’OC se concentrent en grande partie sur l’amélioration de l’accès aux personnes grosses à des soins et médicaments pour… perdre du poids. 

OK. Et les autres grosses personnes, elles ? Ne méritent-elles pas qu’on défende leurs droits ? Doit-on aspirer à la perte de poids – à défaut d’aspirer à la minceur – ou à des traitements en ce sens pour ne pas se faire manquer de respect, que ce soit en cabinet de médecin ou en société ?


Grossophobes par association

Ce qui est le plus dissonant à mes yeux, c’est d’avoir vu et entendu de nombreuses et nombreux professionnel(le)s de la santé associé(e)s à OC avoir des discours plutôt corrects, lorsqu’ils et elles s’expriment dans des contextes qui ne sont pas liés à l’organisation. Même la Dre Julie St-Pierre, connue pour ses propos grossophobes, a récemment adopté un changement de ton que l’on a pu constater dans le cadre d’un récent article dans le magazine L’actualité. (Par choix, le lien n’est pas inclus, car l’article ne contribue en rien à la lutte contre la grossophobie.) 

Au premier coup d’œil, ses propos semblent radicalement opposés à ses discours habituels. Mais suffit de voir à quel point elle croit qu’on peut “traiter l’obésité sans grossophobie” pour comprendre qu’au fond, elle n’a pas vraiment changé d’objectif. 

Ah oui, et le tout nouveau projet qu’elle promeut, destiné à la formation pour la “prise en charge de l’obésité”, est financé à coups de millions par… la compagnie pharmaceutique NovoNordisk. Cette même compagnie connue pour ses médicaments onéreux destinés à la perte de poids qui est aussi un des partenaires corporatifs… d’Obésité Canada.


Plus d’une forme d’obésité

Le fait d’être gros(se) – ou “obèse”, selon l’IMC et pour reprendre les termes scientifiques – n’est pas un problème en soi. Il existe une obésité que j’appelle “métabolique” – lorsque le gras corporel a un effet sur le fonctionnement du corps (i.e. diabète, haute tension artérielle, etc.) – , il faut aussi savoir que cette dernière n’est PAS basée sur l’IMC ou le poids.

Il faut savoir qu’une personne qui aurait de “l’obésité abdominale” – soit un tour de taille supérieur à une mesure prédéfinie et que je ne vous partage pas, car ça n’ajoute pas grand’chose ici – pourrait être sujette à cette “obésité métabolique” sans pourtant atteindre un IMC la classant comme “obèse”. Autrement dit, il est tout à fait possible qu’une personne non-grosse souffre “d’obésité abdominale” et, éventuellement “d’obésité métabolique” sans avoir un IMC “d’obésité”. Une personne peut donc être “obèse”… mais pas grosse.


Tout ça pour en venir à la conclusion que vouloir faire maigrir des personnes grosses qui ne seraient pas malades – qu’il s’agisse d’obésité “métabolique” ou “abdominale” – , je vous le donne en mille… c’est grossophobe. (D’ailleurs, vouloir faire maigrir des personnes pour “leur santé” en croyant qu’il s’agit de la seule façon d’améliorer leur santé est, la plupart du temps, grossophobe. Le développement de saines habitudes de vie, comme l’exercice et une alimentation saine et équilibrée, peuvent prévenir, améliorer, voire même venir à bout de plusieurs affections. Et sans qu’une perte de poids soit nécessairement requise.)

Concentrer sa lutte contre la grossophobie à aider uniquement les personnes grosses qui aspirent à la perte de poids afin qu’elles soient moins jugées (notamment dans leur obtention de soins pour la perte de poids), c’est trier sur le volet quelles personnes grosses sont « dignes » d’être défendues. Et laisser de côté celles qui ne « méritent pas » qu’on s’adresse aux inégalités qu’elles vivent à cause de leur grosseur.

Et ça, c’est grossophobe.


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À propos de l'auteur(trice)

Edith Bernier

Fondatrice de Grossophobie.ca - Infos & référence, conférencière et consultante, elle lutte activement contre la grossophobie depuis 2017. Elle a écrit sur les préoccupations des femmes taille plus en voyage (sur La Backpackeuse taille plus) pendant 6 ans.

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