Du moins, pas de t-shirts promotionnels et autre tops corporatifs, au-delà d’un XXL.
Ou alors cette industrie ne veut / sait pas qu’elles existent.
C’est le difficile constat qu’à fait l’humoriste féministe, autrice et comédienne québécoise Anne-Marie Dupras, membre du trio Le Projet Stérone.
Dupras est sensible aux enjeux de la diversité corporelle et de la grossophobie. Elle s’est donc mise en tête d’élargir la gamme de t-shirts humoristiques féministes de la boutique web du trio afin d’offrir des tailles qui dépasseraient les XXL / 2X. En attendant, les Stéronettes vendaient le décalque que l’on retrouve sur leur t-shirt en version « à repasser et coller sur votre haut favori ».)
« Bonne chance… » que je lui avais dit, à l’époque.
Elle aurait bien voulu que j’aie tort. (Moi aussi d’ailleurs.)
La quête…
Après un an d’efforts et de recherches, son constat est le suivant : mieux vaut ne pas avoir de fans féminines qui portent plus que du XXL / 2X. Parce que c’est quasi-impossible de faire des t-shirts pour elles. Même avec des démarches et du fouillage exhaustifs. (Je le sais pour en avoir été témoin.)
En 2014, il y avait 4 096 528 femmes en 2014. Enlevons celles de 0-14 ans (620 428) et les 75 ans + (356 599). Il reste 3 119 501 de ces belles madames.
Considérons qu’en « 2013-2014, au Québec, 44,0 % de la population des femmes de 18 ans et plus a un surplus de poids. »
3 119 501 x 44 % = 1 247 800,4
Arrondissons (à la baisse) à 1 200 000 en assumant qu’il n’y a pas tant de grosses adolescentes de 15 à 17 ans.
Donc, au Québec seulement, il est raisonnable d’estimer qu’il y a 1,2 million de femmes qui sont considérées « en surpoids ». (Terme que je n’aime pas, mais je ne peux pas changer la façon dont la statistique est énoncée.)
Presqu’un million et quart de femmes sont plus ou moins grosses. Ce même presque million et quart de femmes qui sont potentiellement amenées à porter… des t-shirts…
- … des t-shirts de leurs artistes québécois(es) favori(te)s.
- … ou encore celui qu’on achète pour aider à amasser des fonds pour une cause qui nous tient à coeur.
- … l’uniforme de l’équipe de balle-molle entre ami(e)s.
- … ou de l’activité de bénévolat au bureau où tout le monde avait pu garder son t-shirt, en souvenir.
Dans le meilleur – moins pire ? – des cas, Anne-Marie a pu trouver, dans les tailles pour hommes (ou « supposément unisexe mais qui n’ont pas de hanches ») des t-shirts qui vont jusqu’à 4X. Les 5X et 6X ne sont plus si rares dans les modèles pour hommes, même.
Mais les modèles taillés expressément pour la silhouette des femmes ?
« Ah non. Ça, ça arrête à 2X, madame Dupras. »
J’ai fait l’exercice moi-même sur le site web du fournisseur qui, d’après ce qu’Anne-Marie m’expliquait, se démarquait déjà par un choix de tailles plus vaste que son ancien fournisseur.
Constat ?
- Sur les 43 modèles féminins – manches courtes, 3/4 ou sans manche combinés – un seul modèle existait en 3X. Donc 2,3%.
- Sur les 43 modèles masculins / unisexes – manches courtes 3/4 combinés – 3 modèles se rendent à 5X. Un modèle, jusqu’à 6X. Donc 9,3%.
Dans tous les cas, on est assez loin de la réalité.
J’ai poussé plus loin et passé plusieurs heures à chercher sur des sites web canadiens et américains. Le même constat s’applique pas mal partout.
Aux États-Unis, si on y met le prix fort, on a peut-être la chance de trouver des modèles disponibles en 3X ou 4X et taillés pour les femmes. Mais une fois qu’on considère les frais potentiels de douanes, le taux de change et plusieurs autres facteurs, on constate rapidement qu’il s’agit d’une option peu rentable. Ou carrément pas réalisable.
Mais pourquoi, donc ?
Le public est visiblement là, pourtant.
Et Anne-Marie ne doit pas être la seule à avoir le bonheur de ses grosses (!) fans à coeur…
Il y a de quoi se questionner… Est-ce que certain(e)s artistes, marques ou autres ne veulent pas être associé(e)s aux grosses femmes ? (Abercrombie & Fitch l’a déjà ouvertement dit – et fait – après tout…)
Qui a peur du « fat money », cet argent dépensé par les grosses personnes pour des produits qu’ils portent, consomment, etc. ?
À qui revient le premier pas, au juste… ?
- Aux fournisseur(euse)s, qui devraient prendre le « risque » d’offrir un produit « nouveau » ?
- Aux acheteur(euse)s en gros, qui devraient exprimer un intérêt pour une gamme de produits plus vaste ?
- Aux consommatrices d’exiger de leurs artistes favori(te)s des tailles plus grandes ?
Est-ce qu’on est aux prises avec une situation où les femmes taille plus ont simplement peur de demander, par crainte de se faire « virer d’bord » ? (Un revirement trop courant dans une société où l’exclusion des personnes grosses personnes est au mieux, banalisé, et au pire, accepté ?)
Et si c’est le cas… on fait quoi pour que ça change ?
Écrivez le premier commentaire !