Au-delà de la pandémie de grossophobie qui semble avoir court en ce moment dans les médias sociaux, on lit beaucoup d’inquiétude de la part des personnes grosses. Plusieurs ont peur de se retrouver victimes des choix du personnel soignant, en cas de pénurie de matériel médical, notamment les respirateurs.
Les personnes grosses sont/seraient-elles jugées moins aptes à survivre ou guérir à un point tel qu’on devrait privilégier d’autres groupes de population, en cas de manque de matériel ? Un questionnement éthique et sérieux qui s’impose. Et qui peut faire (très) peur.
Pour les personnes victimes de grossophobie dans leur quête de soins pendant la pandémie,
consultez le guide Grossophobie médicale : conseils et recours.
À risque d’être à risque ?
Le Center for Disease Control (CDC) américain indique sur son site web que les «groupes ayant un risque plus élevé de de maladies sérieuses» sont «possiblement à risques de souffrir de façon plus sévère de la COVID-19». (Source) Et parmi ces «groupes ayant un risque plus élevé de maladies sérieuses», on a inclus les personnes considérées «obèses».
On le sait, le poids est un facteur de risque parmi tant d’autres – tabagisme, sédentarité, alimentation, niveau de stress, etc. – affectant les risques de développer certaines maladies chroniques sérieuses. (Un facteur de risques n’est pas une certitude, faut-il le rappeler.)
Donc les personnes grosses seraient potentiellement à risques
de développer des maladies qui les mettraient parmi
les personnes potentiellement à risques de développer
une forme sévère de la COVID-19.
Ça commence à faire beaucoup de «potentiellement»…
Il semblerait ainsi que, dans les faits, les risques réels de souffrir d’une forme sévère de la COVID-19, lorsqu’on est une personne grosse sans d’autres facteurs de risques sont peut-être moins importants qu’on pourrait le croire… ?
Les personnes grosses : une grande proportion de la population
Au Québec, plus de la moitié de la population est en «surplus de poids» selon des données gouvernementales de 2013-2014. (Note : en surplus de poids = personnes dites en «embonpoint» + personnes dites «obèses».) Avec l’âge, la proportion de personnes «en surplus de poids» tendrait à augmenter jusqu’à 58 %, toujours selon les mêmes données.
Il ne faut donc pas se surprendre si plus de la moitié, voire 58 %, des personnes atteintes sont grosses… C’est une réalité de la population québécoise. Et si cette réalité n’était pas avérée, cela pourrait même – à l’extrême – sous-entendre que les personnes grosses sont moins atteintes que les autres.
Ce même principe peut s’appliquer à l’échelle planétaire : plus il y a de personnes grosses dans une population donnée, plus il risque d’y avoir des personnes grosses qui seront infectées et/ou auront besoin de soins dans le cadre de la pandémie de COVID-19.
Une inquiétude légitime
Il n’en demeure pas moins qu’avec la grossophobie indéniable qui existe actuellement, tant en société qu’en milieu hospitalier, il est normal de craindre de passer en second simplement à cause de son tour de taille. Il est valide d’avoir l’impression que le personnel soignant pourrait croire – à tort – que la qualité de vie ou les chances de survie des personnes grosses sont moindres. Même en l’absence de maladie(s) chronique(s) «traditionnellement liée(s)» – même si ce n’est souvent pas le cas – au poids (ex. diabète, hypertension artérielle, haut taux de cholestérol, etc.).
Le fait qu’on ait associé au Dr Horacio Arruda une déclaration à l’effet qu’un poids très élevé était considéré comme un «facteur de morbidité» dans le décès d’une victime québécoise (source) n’avait rien pour rassurer les personnes grosses.
Si ce qu’on rapporte dans La Presse reflète réellement la perception qu’ont les leaders en santé publique des personnes grosses pendant cette crise, il y a de quoi ne pas se sentir rassuré(e)…
Il est impossible de rassurer les personnes grosses sur l’éthique et l’humanité dont font et feront preuve le personnel soignant dans cette période de crise sanitaire. Mais on peut quand même espérer que le risque réel de contracter la COVID-19 chez les personnes grosses, ou d’en développer une forme grave, ne mérite peut-être pas le buzz médiatique qu’on y consacre…
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