Le 15 août dernier, la compagnie de «bien-être» WW (anciennement Weight Watchers) lançait son nouveau programme destiné aux enfants âgés de 8 à 17 ans.
Sous la forme d’une application interactive, les enfants ont accès à des vidéos sur les «bonnes habitudes de vie» et des mini-jeux. Le coeur de cette appli ? Un système alimentaire simple, basé selon le code universel des feux de circulation. (On assigne aux aliments une «valeur» équivalent au vert, au jaune ou au rouge. Les aliments de cette dernière catégorie sont limités à 6 par jour.)
Le site est également plein de témoignages «positifs» d’enfants de 8 à 15 ans. Le plus remarquable, c’est sans doute celui de Robby*, un garçon de 10 ans ayant perdu 42 lbs avec ce système. D’autres enfants y sont présentés avec une photo et leur âge… et le poids perdu ou le niveau de réduction de leur indice de masse corporelle (IMC). Le site web indique que les parents peuvent sélectionner eux-mêmes l’objectif à partir de l’IMC de départ de leur enfant. De plus, l’application vient avec un système de coaching personnalisé afin que les enfants restent motivés vers l’obtention de leur but.
Risques d’abus ?
Toutefois, des mécanismes ont-ils été prévu à l’égard de ces parents qui établissent des objectifs irréalistes ? Pour ces enfants qui ont des parents trop perfectionnistes, quand est-ce que c’est trop ? Qui protègent les enfants vulnérables de parents potentiellement abusifs ?
Le problème ?
En quoi est-ce mauvais de vouloir que les enfants mangent mieux et bougent plus ? En quoi est-ce grossophobe ?
Avoir une bonne hygiène de vie en soi n’est pas problématique. Ce qui est problématique, c’est lorsque des compagnies comme WW visent des enfants, sous des prétextes de bien-être et dans un objectif pécuniaire. (On l’a d’ailleurs déjà mentionné : en 2018, l’industrie de la perte de poids a généré des revenus de 72 milliards de dollars aux États-Unis.)
Aussi, il est bien connu que les effets de la restriction alimentaire peuvent être dévastateurs à tous les âges : troubles alimentaires, anxiété, dépression, problèmes physiques variés dont la dénutrition.
Chez les enfants, ces conséquences peuvent être d’autant plus graves considérant que les enfants sont en pleine croissance et que la restriction alimentaire peut avoir non seulement des consquences graves, tant au niveau psychologique qu’au niveau du développement physique et mental.
La perte de poids volontaire et pour des raisons purement esthétiques est grossophobe. Plusieurs études soutiennent que la perte de poids n’est pas maintenue dans la majorité des cas. La moralisation des aliments (les bons vs les mauvais aliments) augmente la stigmatisation et le sentiment de honte liés au poids et la nutrition.
Le Dr Valerie Taylor, psychiatre en chef de l’Université de Calgary, affirme même que la moralisation alimentaire amène les enfants à intérioriser que la consommation de «mauvais aliments» est associée à de la faiblesse, ainsi qu’à un manque de motivation et de contrôle de soi. Elle ajoute que lorsque ces enfants entrent dans l’âge adulte, ces distorsions d’eux-mêmes sont intériorisées et peuvent mener à des troubles alimentaires et/ou avoir des impacts importants au niveau de l’image corporelle.
Faire de la diète un jeu
Encore une fois, l’industrie du régime mise sur son insuccès à long terme. Cette fois-ci par une application ludique et sous le prétexte de développer de bonnes habitudes de vie. Visuellement très attrayante, tant pour les enfants que pour les parents, il serait dangereux de se laisser fourber par les promesses irréalistes de l’application.
Sans vouloir présumer des intentions de la compagnie, ce ne serait pas sa première tentative de fidélisation de la clientèle dès le jeune âge. (Rappelons que l’année dernière, la compagnie offrait des services gratuits pour les adolescents.)
Pour le moment, bien que l’application soit disponible pour le téléchargement, le programme Kurbo en tant que tel n’est pas encore disponible au Canada.
Heureusement.
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